J’avais lu quelque part qu’autrefois, on punissait sévèrement le messager qui apportait de mauvaises nouvelles. Alors que Nicolas, mon bien-aimé, m’annonçait avoir vendu la poussette prévue pour notre bébé afin d’offrir l’argent à sa sœur, j’en étais loin d’être de taille pour une simple réprimande ; j’aurais voulu lui faire payer cher ce détournement de fonds destinés à l’essentiel pour notre enfant. Et pourtant, mon mari est convaincu d’avoir bien agi, malgré ce n’était pas la première fois que ses décisions audacieuses déstabilisait notre foyer. J’avais donc décidé de le sanctionner à ma manière, de façon à ce qu’il en soit bien rappelé.
Pendant ce temps, ma belle-sœur Karina décrocha le téléphone et me salua avec un affectueux « Salut, Clochette » qui me glaça le sang. Ce surnom étrange adressé à mon époux m’inquiétait, d’autant plus que le haut-parleur de son téléphone permettait à mes oreilles de capter chaque mot, comme si Karina se trouvait dans notre salon.
« Salut, Kar-Kar, comment ça va ? En quoi puis-je t’aider ? » répliqua-t-il en souriant, sans se douter de mon malaise. Ce diminutif enfantin employé dans notre famille semblait être une tradition. Heureusement, mon prénom n’avait pas subi un tel traitement moqueur. Sinon, qui sait quels sobriquets auraient été inventés pour « Marina »… Peut-être « la Marinée » ou « la Marine »… Mais force est de constater que l’imagination de mon mari semble souvent limitée.
Nicolas reprit alors sa conversation avec sa sœur : « C’est combien ? Sérieusement, tu ne pouvais pas trouver un autre téléphone ? Ah, cette caméra est vraiment superbe… Attends, je vérifie le solde de ma carte et je te rappelle, d’accord ? »
Après avoir raccroché, il me lança un regard empreint de contrition :
« Ma chérie, pardonne-moi, c’est juste que Karina, avec tout son tempérament créatif, adore prendre des photos et enregistrer des vidéos, et pour ça, elle a besoin d’un téléphone de qualité. »
Je m’indignai :
« Karina, vraiment ? Je croyais qu’elle s’appelait Kar-Kar, ça lui convenait beaucoup mieux ! Dis-moi donc, combien a-t-elle déboursé cette fois-ci ? »
Lorsque mon époux annonça la somme, je ne pus retenir un ricanement.
« C’est vraiment dérisoire… à peine le salaire d’un contrôleur, rien de plus. Tu vois, cette jeune femme semble s’appuyer sur l’aide financière de toute la famille, se laissant aller sans scrupule. »
Nicolas tenta alors de défendre sa sœur :
« Elle a toujours été gâtée, c’est pour ça qu’elle ne se plaint jamais puisqu’on lui donne toujours ce qu’elle veut. »
« Écoute, quand à 20 ans on quémande un téléphone hors de prix, c’est de l’impudence pure ! » rétorquai-je fièrement. « À mon âge, pendant mes études en économie, je devais travailler dans un café pour subvenir à mes besoins et même aider ma mère quand elle en avait besoin. »
Un sourire narquois illumina le visage de Nicolas qui me lança :
« Ma Marina, tu es faite d’une autre trempe, tandis que Karina reste l’enfant légère et bohème que tu connais. »
Sans plus contester, je quittai le salon pour enfiler mon tablier et me rendre à la cuisine. Tandis que je martelais mes casseroles de toute ma colère, je méditais sur le rôle de l’homme dans le foyer : il devrait contribuer financièrement, et non dilapider nos ressources au profit de caprices comme ceux de Karina. Bien sûr, aider un proche dans le besoin, c’est normal, mais là, c’était clairement une subvention injustifiée pour une véritable profusion de demandes.
Nicolas m’informa ensuite que sa sœur prévoyait un voyage à Moscou avec des amis, afin de filmer du contenu pour son blog, argumentant qu’elle avait besoin de financer ce périple pour s’offrir un nouveau téléphone.
« Un voyage pour un téléphone et quelques frais de poche seulement, » me dis-je avec un mélange de consternation et de sarcasme.
Je lui lançai tout bas une remarque sur le fait qu’à force, il finirait par payer non seulement le logement de sa sœur mais aussi tous ses caprices.
Cela attisa la colère de Nicolas, qui, piqué au vif, s’emporta avant de se réfugier dans la chambre, refusant même de me parler jusqu’au soir. La répétition de ces décisions, toujours en faveur de sa sœur, me faisait craindre l’avenir de notre famille. Mon épouse intérieure, toujours avisée quant à la gestion financière, ne pouvait accepter de voir notre budget familial constamment dépourvu de soutien pour notre enfant.
Les tensions s’exacerbèrent lorsque, quelques jours plus tard, un appel téléphonique de Karina confirmait que le dernier billet d’aventure était un séjour à Moscou pour suivre des cours de « Super Blogueur ». Mon mari, ayant déjà déboursé pour ces projets, se retrouvait à nouveau en difficulté. Ce comportement irresponsable me rappelait trop souvent une époque difficile, quand, au sixième mois de ma grossesse, la fermeture de l’atelier de réparation de voitures de Nicolas nous plongea dans l’incertitude financière.
« Tu es mon tout, » me répétait-il avec assurance, mais les temps se faisaient durs. Pour l’accouchement, je dus m’adresser à mes parents pour obtenir l’aide nécessaire, couvrant même l’achat d’une nouvelle poussette et d’un berceau indispensables pour notre bébé. Je remerciai chaleureusement mes parents pour leur soutien, car mon mari, absorbé par ses dépenses pour sa sœur, ne pouvait contribuer de manière efficace.
Finalement, après l’arrivée de notre petite fille, une surprise m’attendait à la maison : le berceau et la poussette avaient disparu. Mon mari, distrait par un appel de Karina, m’expliqua avoir investi dans un nouveau projet de blog pour elle, justifiant qu’il n’y avait pas de solution pour se passer d’un tel investissement.
« Explique-moi, Nicolas, comment en est-il arrivé ainsi que notre bonheur de devenir parents se soit heurté à tes dépenses inconsidérées pour ta sœur ? » m’exclamai-je, fulminante.
L’accumulation des offenses et des promesses non tenues me fit comprendre que notre vie conjugale venait de prendre un tournant irréversible. J’exigeai que chaque centime précédemment destiné à l’avenir de notre enfant me soit restitué, et je déclarai que désormais, je ne pourrais plus tolérer qu’il consacre nos ressources à satisfaire les caprices de sa sœur.
Sans tarder, je partis vivre temporairement chez mes parents, où je trouvai enfin le soutien nécessaire pour traverser cette période tumultueuse.
Nicolas implora mon pardon, mais je savais qu’un homme qui perd de vue l’importance de sa propre famille, au détriment d’autres, n’était plus fait pour partager ma route vers l’avenir.
Ce fut ainsi que, confrontée à l’inacceptable désordre dans lequel notre foyer s’était transformé, j’en conclus que si un homme néglige son rôle de soutien pour se laisser happer par des dépenses frivoles, il ne mérite pas de cheminer à mes côtés.