Assez tergiversé – fais ton choix : ce légume ou moi ! La femme, qui venait d’entendre par hasard son mari converser avec son amie, laissa échapper un sanglot…

— Nous passerons l’éternité ensemble, murmura tendrement Romain à Marie tandis qu’ils déposaient leur dossier à la mairie.

— Dans la joie et dans la peine ? lui lança-t-elle, un sourire aux lèvres, le regard pétillant.

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— Dans la joie et dans la peine ! répondit-il, l’attirant contre lui avec conviction.

— Et si je me lasse de toi au bout du compte ? taquina Marie, inclinant la tête et posant un regard malicieux sur son futur époux.

— Comment pourrais-tu te lasser, moi qui t’aime plus que tout ? dit Romain en la serrant un peu plus fort. J’ai plutôt peur que tu finisses par être lassée de ma présence incessante à tes côtés.

— Moi, je veux juste que tu restes toujours près de moi, confia Marie en l’embrassant. Je veux m’endormir et me réveiller à tes côtés, te concocter le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner, t’attendre le soir en rentrant du travail et partager tous nos instants.

Ayant terminé ses études à l’École normale, Marie enseignait désormais au primaire. Elle comptait rentrer chaque jour avant Romain pour accomplir les tâches ménagères avant son arrivée. Lui, rêvait de leur offrir une vie sans souci.

— Encore un peu de patience, j’ouvrirai ma propre entreprise de construction, embaucherai des ouvriers, expliqua-t-il, les yeux brillants. Nous construirons des maisons, et pour toi, ma chérie, j’élèverai la plus belle de toutes ! Puis nous aurons des enfants…

— Combien en aurons-nous ? s’enquit Marie d’un ton mystérieux.

— Beaucoup ! répondit-il. Comme dans ma famille : mon père avait quatre sœurs et deux frères, et ils ont toujours été soudés. Tu sais qu’ils continuent à se soutenir.

— Ta famille est merveilleuse, acquiesça Marie.

Lorsque Romain annonça à ses parents l’arrivée de sa fiancée, ils organisèrent une grande fête, conviant toute la parenté. Marie y fut accueillie avec tant de chaleur qu’elle se sentit immédiatement adoptée. Après le mariage, les jeunes époux s’envolèrent pour leur lune de miel. À leur retour, la tante de Romain leur prêta son appartement, puisqu’elle partait vivre plusieurs années à l’étranger.

Pendant ce temps, Romain réalisa son rêve : il créa sa société de construction et entreprit l’édification de leur futur foyer. Bientôt, Marie apprit qu’elle était enceinte.

— Je ferai tout pour terminer au moins un abri provisoire avant la naissance, assura Romain. On l’aménagera, puis on déménagera dans la grande maison.

— Pourquoi es-tu convaincu que ce sera un garçon ? s’étonna Marie.

— Je le sens ! répondit-il fièrement. Quand on sent quelque chose, c’est que c’est vrai.

— Et si c’était une fille ? demanda-t-elle, les sourcils levés. Tu serais déçu ?

— Non, bien sûr ! s’exclama Romain. Qu’importe le sexe, je l’aimerai autant.

— Moi aussi, sourit Marie. L’essentiel, c’est un bébé en bonne santé. Nous avons toujours rêvé d’une grande famille !

Blottis l’un contre l’autre, ils imaginaient déjà la chambre d’enfant.

— Une première chambre, puis d’autres viendront, sourit Romain. On a la place, et dans le jardin, je construirai une superbe aire de jeux…

Hélas, la grossesse de Marie ne fut pas de tout repos. Elle fit de nombreux allers-retours à l’hôpital, parfois jusqu’aux derniers instants. Entre deux séjours, elle rentrait à la maison, mais devait rapidement y retourner.

Un jour, son amie Marina glissa :
— Tu devrais te débarrasser de cet enfant… ma grand-mère disait qu’un « enfant sauvé » n’est pas toujours un vrai enfant.

— Marina, ce que tu dis est odieux ! protesta Marie. Chaque enfant mérite d’être aimé, et les échographies sont normales.

— Fais comme tu veux, mais souviens-toi : face aux problèmes, les maris fuient, lâcha Marina. Ton Romain est-il vraiment fidèle ? Et si ce bébé avait des soucis de santé, il te tournerait le dos, et tu mordrais tes doigts.

Marie, blessée, coupa court à la conversation et demanda à ne pas être importunée avant l’accouchement. Toutefois, un doute s’insinua parfois en elle, qu’elle s’empressait de chasser.

Le jour J arriva enfin, mais l’accouchement fut difficile : le nouveau-né naquit très faible et fut immédiatement transféré en néonatalogie, souffrant d’une grave infection pulmonaire. Romain délaissa toute son entreprise pour veiller jour et nuit auprès de sa femme et de leur bébé. Mais au bout de douze jours d’espoir et d’angoisse, le médecin annonça que l’organisme de l’enfant n’avait pas survécu.

Marie sombra dans une douleur indicible. Le même praticien ajouta que, pour elle, toute nouvelle grossesse serait périlleuse, voire impossible.

— Et maintenant ? sanglota Marie en se tournant vers son mari. Tu vas me quitter ? Tu pourrais trouver une autre femme…

— Ne dis pas de telles bêtises ! répondit Romain, la voix brisée. Je t’aime, et je resterai à tes côtés, quoi qu’il arrive.

Mais le traumatisme transforma leur quotidien. Sur l’insistance de Romain, Marie quitta son poste d’institutrice. Ils vécurent dans l’abri provisoire, tandis qu’il poursuivit la construction de la maison. Les visites familiales se succédaient pour soutenir Marie, qu’elle repoussa chacune. Marina, quant à elle, revint à plusieurs reprises prodiguer ses conseils toxiques :
— Quitte-le, tu ne mérites pas de pourrir sa vie ! insista-t-elle. Il trouvera une autre, capable de lui donner des enfants en bonne santé.

Un soir, alors que Marie s’était endormie, elle entendit distinctement sa voix devant la porte… Avec effroi, elle comprit que Marina se trouvait en compagnie de Romain.

Plus tard, Romain avoua qu’il avait, dans un moment de grande faiblesse, cédé aux avances de Marina. Elle lui avait fait croire qu’elle était enceinte pour le retenir. Loin de se repentir, Marie remercia son mari d’avoir tout avoué, car cet aveu lui montra l’ampleur de sa propre détresse et l’absurdité de ses souffrances égoïstes.

Le lendemain, Romain courut chez Marina, lui arracha son mensonge et revint chez Marie avec un bouquet de roses blanches. Il trouva sa femme vêtue de manière soignée, un air décidé sur le visage et le doux parfum d’un repas mijoté flottant dans l’air.

— Pardonne-moi, souffla Marie en l’enlaçant. J’ai compris mes erreurs. Je veux reconstruire ce que nous avons brisé, retrouver notre complicité.

Romain sourit et sortit son téléphone : il la fit écouter l’enregistrement des mensonges de Marina. Marie, le cœur serré, réalisa à quel point son amie avait trahi leur confiance.

— M’accepterais-tu encore ? osa-t-elle.

— Tu es la seule que j’aime, répondit Romain en l’embrassant. Et maintenant que la vérité est là, je sais que nous pourrons tout surmonter.

Marie se mit alors à raconter ses idées pour les papiers peints de leur chambre, l’aménagement de la pièce des enfants, et tous les détails qu’elle avait imaginés. Tandis qu’elle parlait, Romain la regardait avec tendresse : sa Marie était enfin revenue, et leur avenir s’annonçait plus lumineux que jamais.

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