Ce qui avait commencé comme une mise au point anodine sur la nécessité de respecter l’intimité s’est rapidement mué en un véritable spectacle, attirant l’attention de la police et entraînant des répercussions que je n’aurais jamais imaginées.
Je n’aurais jamais cru devenir une actrice amateure pour remettre mes voisins trop curieux à leur place, mais la vie nous réserve parfois des surprises inattendues.
Tout débuta lorsque la famille d’Anaïs et Victor emménagea juste à côté. D’emblée, ils parurent agréables, quoique légèrement… singuliers.
« Bienvenue dans le quartier, » leur dis-je en leur offrant un panier rempli de mes tomates fraîches, avec un sourire chaleureux. « Moi, c’est Katia. »
Anaïs jeta un regard nerveux autour d’elle.
« Merci. Nous sommes très… soucieux de notre sécurité, vous voyez, » répondit-elle en hésitant.
Je ne comprenais pas vraiment, mais acquiesçai sans soupçonner ce que l’avenir me réservait.
Une semaine plus tard, de retour après un séjour chez ma mère, je découvris quelque chose de stupéfiant dans ma cour.
Allongée sur un transat, en maillot, je prenais soin de mes tomates, quand mon regard fut attiré par un petit objet noir accroché sous le toit de leur maison.
« Une caméra… ? » murmurai-je, plissant les yeux.
Un frisson glacé me parcourut l’échine en réalisant qu’elle pointait directement vers mon jardin.
Sans perdre un instant, je me rendis chez eux, toujours en maillot, et frappa à la porte. Victor m’ouvrit, l’air visiblement agacé.
« Pourquoi votre caméra filme-t-elle mon jardin ? » exigeai-je des explications.
Il haussa les épaules :
« C’est pour notre sécurité. On doit s’assurer que personne ne s’introduise en escaladant la clôture. »
« C’est absurde ! » m’exclamai-je avec indignation. « Vous violez ma vie privée ! »
Anaïs apparut alors dans l’encadrement de la porte et lança d’un ton glacial :
« Nous avons le droit de protéger notre propriété. »
Furieuse, je partis en bouillonnant de colère.
Bien sûr, j’aurais pu engager une procédure judiciaire, mais qui a le temps ni les moyens pour cela ? Je devais trouver une autre solution.
Je contactai alors quelques amis.
« Chloé, j’ai besoin de ton aide, » dis-je au téléphone. « Que penserais-tu d’un petit… performance ? »
Elle éclata de rire :
« Tu m’intrigues ! Raconte-moi tout. »
Ainsi se mit en place le plan. Nous rejoignîmes également Marc, notre expert en effets spéciaux, et Élise, passionnée par les costumes.
Lors de notre dernière rencontre, j’exprimai une petite hésitation :
« Ne crois-tu pas que nous allons un peu trop loin ? »
Chloé me posa la main sur l’épaule :
« Katia, ils t’ont espionnée pendant des semaines. Ils méritent une leçon. »
Marc acquiesça :
« Et puis, c’est tellement amusant ! Quand avons-nous déjà fait quelque chose d’aussi extravagant ? »
Élise esquissa un sourire malicieux :
« Les costumes sont déjà prêts. Il n’est plus temps de reculer ! »
Un rire nerveux me gagna, effaçant mes derniers doutes.
« D’accord, lançons-nous alors. »
Le samedi arriva et nous nous retrouvâmes dans mon jardin, parés des tenues les plus rocambolesques. J’avais opté pour une perruque néon, un ensemble dépareillé et même un costume de plongée.
« Prêts pour la meilleure fête de l’année ? » lançai-je avec un sourire espiègle.
Chloé retoucha sa masque de « visiteur d’un autre monde » :
« On va offrir à ces curieux voisins un spectacle inoubliable ! »
Dans un premier temps, nous nous contentâmes de nous amuser : danses, jeux et simulations de conversations banales rythmaient la fête.
« Katia, comment va ta mère ? » lança Marc, déguisé en pirate, d’une voix tonitruante.
« Tout va bien, elle essaie encore de me marier avec le fils de son amie, » répliquai-je avec un clin d’œil complice.
Élise rit aux éclats :
« Classique ! Tu crois qu’elle est au courant pour la caméra ? »
« Non, je ne voulais pas l’inquiéter. Sinon, elle serait venue leur dire tout ce qu’elle pense. »
« Ce serait un spectacle à voir, » ajouta Chloé, amenant l’hilarité générale en imaginant ma mère furieuse frappant à leur porte.
Mais le moment clé de la soirée allait bientôt arriver.
« Oh non ! » poussai-je en pointant Chloé. « On dirait qu’elle vient de mourir ! »
Marc brandit alors un couteau en plastique, taché de ketchup, avec une mise en scène dramatique :
« C’est de sa faute ! »
Chloé s’écroula au sol en écartant les bras, tandis que le « sang » se répandait autour d’elle.
Pris de panique, nous improvisâmes une scène de crime délirante.
« On appelle la police ?! » s’exclama Élise.
« Non, faut cacher le corps ! » rétorquai-je.
Soudain, un silence pesant s’installa.
La tenture de la maison voisine frissonna légèrement.
« On a été repérés, » soufflai-je.
Au loin, le claquement d’une portière retentit. Nous restâmes figés quelques instants, puis… des sirènes se mirent à hurler.
« Ça commence, » dis-je en expirant profondément. « Courons tous à l’intérieur ! »
En quelques secondes, nous avions dissimulé les preuves de notre « crime » et changé de tenue. Quand finalement on frappa à la porte, nous étions tranquillement assis autour d’une table à savourer du thé.
Un officier demanda, intrigué, « Tout va bien chez vous ? »
Avec de grands yeux, je rétorquai :
« Bien sûr, que s’est-il passé ? »
L’agent expliqua qu’un appel avait signalé des actes de violence à notre adresse.
Faisant mine d’être choquée, je répondis :
« Oh, c’est à cause de notre performance d’actrices, alors ! On répétait une petite scène dans le jardin… sans doute trop réaliste. »
Le policier plissa les yeux :
« Comment cela a-t-il pu être vu ? Votre clôture est censée être haute… »
Je soupirai lourdement :
« Voilà le vrai problème ! Les voisins ont une caméra pointée directement sur mon jardin. Ils filment sans mon consentement. »
Le visage de l’agent s’éclaira d’un étonnement mêlé de compréhension.
« Dans ce cas, nous devrions peut-être leur parler… »
Nous restâmes alors à observer par la fenêtre la police qui se dirigeait vers la maison d’Anaïs et Victor.
Une heure plus tard, l’officier revint :
« Katia, je crains que vos voisins aient mené une surveillance illégale. Leur matériel a été saisi et ils risquent une sanction. Seriez-vous prête à déposer une plainte officielle ? »
Faisant mine d’être surprise, je répondis :
« Oh, quel désagrément… Bien sûr, si cela peut aider. »
Dès que la police partit, nous débouchâmes une bouteille de champagne.
« Je n’arrive pas à croire que ça ait marché ! » s’exclama Chloé en riant.
Marc leva son verre :
« À Katia, la génie de la revanche ! »
Bien que je souriais, un sentiment de culpabilité persistant me rappelait que nous avions peut-être franchi une ligne.
« Ne sommes-nous pas allés trop loin ? »
Élise secoua la tête :
« Ils l’ont bien cherché eux-mêmes. »
Quelques jours plus tard, je remarquai qu’Anaïs et Victor quittaient leur domicile, valises à la main.
Une jeune paire emménagea rapidement à leur place.
Je me demandai alors si je devais prévenir ces nouveaux voisins… Mais finalement, je repris tranquillement le soin de mes tomates.
Car, en fin de compte, si besoin est, je sais toujours organiser une autre fête dans le jardin.